VOYAGE AFRIQUE DE L'OUEST
HIVER 2004-05 |
~ RÉCIT GUINÉE
(début) ~
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Lundi
10 janvier : Bamako / Siguiri (Guinée)
ON PEUT LE DIRE,
ÇÀ Y EST, ON MAÎTRISE L'AFRIQUE !! |
Dès le premier
poste, le racket commence, on veut nous faire payer une deuxième fois
le laissez-passer pour la voiture (150 francs), ce que l'on refuse, et
l'on obtient satisfaction en sortant la carte de visite du Consul, et
en disant qu'on avait eu rendez-vous avec l'ambassadeur et qu'il n'en
était pas question ; la réponse du gendarme, désarmante, a été "vous
auriez pu le dire avant, que vous aviez rencontré l'ambassadeur"
!!! |
Mardi 11 janvier : Siguiri / Kankan
Après
un petit déjeuner partagé avec Innocent, ce dernier nous emmène faire du
change dans une arrière boutique qu'on aurait jamais trouvée, mais surtout
nous emmène dans une station service excentrée qui a du gazole, car depuis
une quinzaine de jours, il y a pénurie dans le pays, la plupart des stations
sont fermées, et il y a des files d'attente incroyables à celles qui sont
ouvertes (cela nous rappelle le Zimbabwe, où il avait fallu en acheter en
contrebande, en cachette, et encore grâce à des relations, comme quoi en
Afrique, sans relations, on ne survit pas longtemps !). On remplit donc les deux réservoirs (250 litres au total), pour être tranquilles. Route jusqu'à Kankan, où on arrive à midi chez les Salésiens de Don Bosco qui tiennent un centre de formation professionnelle : une centaine d'élèves pour trois |
ateliers d'apprentissage, mécanique générale, mécanique auto, et électricité
(85% de taux de réussite, le meilleur du pays) ; nous sommes accueillis
par Marco (prêtre équatorien), David (prêtre malien), et Norbert (prêtre
togolais) ; comme ils nous font visiter les ateliers, on leur raconte
qu'on a le réservoir supplémentaire de gazole qui fuit ; qu'à cela ne
tienne : on met le 4x4 sur la fosse, et ils se mettent à vider les 150
litres dans un fût, démontent le réservoir, et font une soudure salvatrice
!!
Il y avait une fissure sur le réservoir (qui est neuf !!!). Un super travail, et avec le sourire ! De plus, David, le père chef mécano, ne veut rien nous faire payer ; nous ferons alors une donation aux Salésiens de Don Bosco. Vu l'heure, Marco nous suggère de rester dormir à la Mission, ce que nous acceptons avec grand plaisir ; nous allons voir les jeunes qui font du sport sur les installations de la Mission, et nous partageons les repas des pères. |
Mercredi
12 janvier : Kankan / Kindia
Après
le petit déjeuner partagé avec les pères, nous les quittons à regret pour
continuer notre route vers Conakry ; plus de 500 km d'un mauvais goudron,
à faire du gymcana entre les trous, des camions qui arrivent à fond la caisse,
et pas mal de montagne avant d'arriver à Kindia. Plusieurs contrôles de
police, dont un un peu sérieux, où tous les arguments semblent bons pour
nous racketter, et il nous faut sortir le grand jeu (nous avons rendez-vous
au Ministère de la Sécurité avec le Capitaine M.), et là, soudainement,
on a droit à un "garde à vous" et on passe sans problème !! Qu'est-ce
que cela sera demain en arrivant à Conakry, au fameux contrôle du PK 36,
de sinistre réputation ?? À Kindia, nous galérons un peu pour trouver Monsieur et Madame Bayard Diallo, des amis que Marie-Jo (notre copine de Lyon) nous a recommandé d'aller voir ; on est alors chaleureusement accueilli par ce couple, lui instit et elle infirmière, tous deux des peuls ; comme ils n'avaient pas prévu notre arrivée, ils nous invitent à dîner dans un petit restau sympa. |
Mais c'est vraiment ce soir que nous prenons conscience des problèmes de
la Guinée : le pays n'a pas ou peu d'électricité ! À Kindia, il y
a de l'électricité un soir par semaine de 18 h à minuit et un autre soir
de minuit à 4 h du matin, incroyable ! Le retour du restau en voiture se fait dans une ville noire, faiblement éclairée par des bougies et lampes à pétrole, ainsi que quelques groupes électrogènes !! Et toute la population est dans la rue, ne pouvant rien faire chez soi dans le noir. Depuis la dictature de Sékou Touré, l'économie du pays s'est considérablement dégradée, et la population souffre terriblement ; nous n'avions pas vu une telle déconfiture d'un pays depuis notre passage en Sierra Léone avant la guerre en 1993 !! Nous dormons dans la cour du cousin de Bayard, bien au calme. |
Jeudi
13 janvier : Kindia / Conakry
Petit
déjeuner copieux chez les Bayard Diallo, qui sont tellement ravis et "honorés"
de notre visite ; ils nous emmènent ensuite chez Madame Candiotti où nous
allons lui présenter nos condoléances ; en effet, son mari (un français)
est décédé il y a un mois, et nous devions le rencontrer, c'est également
un ami de Marie-Jo ; puis nous déposons Madame Bayard Diallo à son centre
de santé, flambant neuf (il a été inauguré il y a une semaine) ; climatiseurs,
salles de douches, etc, mais il n'y a ni eau ni électricité, sans commentaires
! Puis, c'est la route pour Conakry, et là, miracle, le PK 36 se passe les doigts dans le nez, sans même avoir besoin de sortir nos arguments, on serait presque déçus !! Circulation dantesque à Conakry, mais on commence à avoir une sérieuse habitude ; nous allons directement chez Nadine Bari, cette femme française que nous avons connue par Internet, présidente de l'association Guinée Solidarité (c'est à cette assoc que nous remettrons les médicaments et matériel médical que nous avons dans nos malles). Moment émouvant de rencontrer cette femme, mariée à un guinéen qui a été enlevé en 1972 sous la dictature Sékou Touré ; Nadine s'est alors battue pendant des années pour essayer de savoir ce qu'il était devenu, jusqu'à ce qu'elle ait hélas eu la certitude qu'il avait été torturé à mort. |
Pour
ceux que cela intéresse, nous ne pouvons que vous conseiller la lecture
des quatre livres de Nadine Bari : "Grain
de Sable", "Noces
d'absence" (Ed. Le Centurion), "Chroniques
de Guinée" (Ed. Karthala), et "Guinée,
les cailloux de la mémoire" (Ed. Karthala). Nous sommes merveilleusement accueillis par Nadine, qui nous offre une chambre pour quelques jours dans sa grande maison ; c'est pour nous l'occasion de nous poser un peu après deux mois d'un voyage assez fatiguant. Conakry, la capitale, a les mêmes problèmes que tout le pays : pas d'électricité (il y a de l'électricité un ou deux soirs à 18 h, et un ou deux soirs à minuit), et plus d'eau depuis 6 mois !! C'est donc au seau (rempli au puits du jardin) que l'on se lave, dans une salle de bain luxueuse ! Mais Nadine va faire faire un forage avec pompe, de façon à ré-alimenter ses robinets. Nous voilà donc à partager pendant quelques jours la vie de Nadine, femme au combien passionnante. |
Vendredi 14 à mardi 18 janvier : Conakry
Nous
vivons au quotidien la vie de l'association "Guinée Solidarité",
créée par Nadine Bari ; elle vient en aide à nombre de déshérités, elle
consacre sa retraite aux guinéens nécessiteux. Tout au long des journées,
c'est un défilé à la maison de responsables de quartiers ou d'écoles, et
autres associations locales qui ont tous besoin d'aide. Nous allons surtout à la Cité de la Solidarité, véritable ghetto au cœur de Conakry, où vivent une centaine de famille (environ 450 personnes) dans des conditions déplorables (de 12 à 15 personnes dans des chambres insalubres de 4m2), et dans des conditions d'hygiène inimaginables (pas d'assainissement). Beaucoup de handicapés (aveugles, polio, etc), ce qui transforme cette cité en une véritable cour des miracles. Fort heureusement, les guinéens sont propres, et contrairement aux autres pays d'Afrique de l'ouest, les ordures ménagères ne trainent pas dans les rues, mais sont ramassées et brûlées, ce qui donne un aspect relativement propre à l'intérieur de la cité. Au cœur de cette Cité de la Solidarité, Nadine a créé un Centre de Santé, qui porte son nom, où 5 à 6 internes guinéens consacrent plusieurs heures tous les matins pour donner bénévolement des consultations. C'est à l'infirmerie de ce centre de santé "Nadine Bari" que nous avons choisi de donner les cartons de médicaments et para-médical (400 aiguilles stérilisées, 100 bistouris, 400 gants stériles) que nous avaient donné notre pharmacien et notre dentiste en Seine et Marne, ainsi que notre amie Marie-Jo. Nos cartons tombent à point, car l'armoire à pharmacie du centre est encore une fois presque vide ! |
Malgré cette misère difficile à supporter, nous sommes heureux, notre mission est accomplie, nous ne pouvions pas mieux trouver à qui donner ces médicaments et paramédical. Nos interlocuteurs nous remercient chaleureusement, et nous avons bien envie de renouveler cette opération humanitaire, avec Guinée Solidarité. La vie à Conakry est la plus difficile que nous ayons connue dans une capitale d'Afrique de l'ouest, avec cette absence d'eau (on passe notre temps à remplir des seaux au puits dans le jardin), d'électricité (à moins d'avoir la chance d'être sur le même réseau que certains hôpitaux ou Coca Cola !), mais également de téléphone (absence de réseau à mi-temps !) ; la nuit, nous sommes réveillés par des rafales de mitraillettes, tirées dans les rues, sans en connaître vraiment la raison ! (en fait, les habitants signalent ainsi qu'ils sont armés, et que personne n'a intérêt à essayer de tenter une mauvaise action !). Samedi soir, deux ophtalmos français arrivent, de l'association "Voir la Vie" ; chaque année, ils prennent sur leurs vacances pour faire pendant 15 jours des opérations de la cataracte et former des médecins et infirmiers. Lundi matin, nous retournerons à 6 h du matin à la Cité de la Solidarité, où 200 petits déjeuners sont "offerts" chaque matin par Guinée Solidarité aux enfants avant qu'ils ne partent à l'école. |